Des compétences de l’agent immobilier en matière de bâtiment
L’agent immobilier n’est pas un expert en bâtiment, et hormis le cas de désordres apparents, il n’a pas à investiguer sur l’état du bâti ; pour autant, il lui incombe de connaître son produit, et d’informer l’acquéreur de tous désordres non apparents qui auraient été portés à sa connaissance, et qu’il aurait dû connaître.
Tel est, en substance, l’état de la jurisprudence au regard des compétences requises de l’agent immobilier en matière de bâtiment.
La Cour d’Appel de Douai en a spécialement fait application, aux termes d’un arrêt rendu le 13 juin 2024.
En l’espèce, le propriétaire d’un bâtiment industriel avait confié à un agent immobilier un mandat de mise en location de son bien, qui avait abouti à la signature d’un bail commercial. Les relations entre le bailleur et le preneur s’étaient ensuite envenimées, et à la faveur d’un contentieux ayant pour objet la résiliation du bail, s’était notamment posée la question de l’obligation de délivrance pesant sur le bailleur, et de l’obligation d’entretien à la charge du preneur.
Le bailleur avait ensuite opposé à l’agent immobilier divers griefs, dont celui, prétendument, de l’absence de vérification de la situation de l’immeuble permettant une location au regard des normes applicables.
Pour trancher le litige, la Cour s’en rapporte à la jurisprudence de la Cour de cassation, dont elle fait la synthèse dans les termes suivants :
L’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention (…), et ce même à l’égard de la partie qui ne l’a pas mandaté (… ).
Il pèse sur l’agent immobilier une obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son mandant, puisqu’il doit notamment lui donner une information loyale, par exemple sur la valeur du bien mis en vente (…) ou sur la solvabilité réelle du preneur. ( …).
Plus particulièrement concernant l’état de l’immeuble, il a pu être retenu une obligation d’information du mandant sur l’existence de désordres apparents affectant l’immeuble vendu et qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier il ne peut ignorer (… ) mais non sur l’existence de désordres non apparents, si n’est pas rapportée la preuve qu’il en avait connaissance ( …)
Quant à l’application en l’espèce, la Cour estime qu’il n’est justifié d’aucune faute en lien avec un défaut de conseil ou d’information, compte tenu de désordres « dont il n’est ni démontré qu’ils fussent apparents ni connus de ce mandataire, qui en sa qualité de professionnel de l’immobilier, n’était ni un professionnel de la sécurité des installations électriques ou industrielles, ni un professionnel du bâtiment ».
Il est même précisé par la Cour que l’agent ne saurait se voir reprocher de manière générale de ne pas avoir attiré l’attention du bailleur sur l’obligation générale de délivrance qui lui incombait – tellement, semble-t-il, une telle obligation doit être nécessairement connue de tout bailleur.
Ainsi, cet arrêt donne les clefs pour appréhender le principe et les limites de la responsabilité de l’agent immobilier, au regard de sa mission et de ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui.
De manière similaie, la Cour d’Appel d’Amiens, par un arrêt du 4 juin 2024, a pu retenir, qu’il n’était pas établi qu’un affaissement de toiture existait au moment de la vente, ou qu’il était décelable comme vice évolutif pour un agent immobilier normalement attentif qui n’est pas un professionnel de la construction.
Là encore au visa exprès de la jurisprudence de la Cour de cassation, cette juridiction rappelle spécialement que:
L’agent immobilier, chargé de l’entremise aux fins de la vente et de l’efficacité de l’acte, n’a pas à effectuer des investigations non justifiées par l’état apparent de l’immeuble (..).
D’autres espèces, toutefois, révèlent des situations très différentes, notamment à raison de la nécessaire connaissance du bien vendu par l’agent immobilier.
C’est ainsi que, par un arrêt du 30 mai 2024, la Cour d’Appel de Limoges a retenu la responsabilité d’un agent qui s’était abstenu de signaler à des acquéreurs la totalité de travaux réalisés par le vendeur, beaucoup plus importants que ceux mentionnés dans le permis de construire et dans l’acte de vente, alors qu’il avait lui-même servi d’intermédiaire deux années auparavant pour la propre acquisition par les vendeurs, et connaissait donc nécessairement l’état antérieur.
CA Douai, 13 juin 2024, n° 23/02538.
CA Amiens, 4 juin 2024, n° 22/04667.
CA Limoges, 30 mai 2024, n° 23/00389