De la signature du mandat immobilier
Au regard du droit de l’agence immobilière, il est un point qui pose rarement difficulté, mais qui mérite cependant que l’on s’y arrête, par souci de rigueur : la signature du mandat, évidemment nécessaire à sa perfection.
L’article 6 I de la loi dite Hoguet du 2 janvier 1970 prévoit que :
« Les conventions conclues avec les personnes visées à l’article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu’il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit… ».
Or, hormis lorsque l’acte est rédigé en la forme authentique, la notion d’écrit est consubtantielle à la notion de « signature privée », ainsi qu’il résutle de l’article 1364 du Code civil – notion qui se substitue à celle de « seing privé » dans le droit antérieur à la réforme des obligations, cependant encore en usage.
Alors que l’écrit « papier » est désormais équivalent à l’écrit électronique, l’article 1367 du Code civil érige la signature au rang de condition même de sa perfection juridique :
La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte… .
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Deux arrêts récents de la Cour de cassation viennent rappeler l’importance de la signature et de ses conditions de validité, donc celles de l’écrit lui-même.
Par un arrêt du 13 mars 2024, la Chambre Commerciale a eu à se prononcer sur le cas d’une signature non pas électronique, mais scannée, laquelle ne peut avoir valeur de signature électronique :
après avoir énoncé que l’article 1367, alinéa 1, du code civil, dispose que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur et qu’elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte, l’arrêt retient, à bon droit, que le procédé consistant à scanner des signatures, s’il est valable, ne peut être assimilé à celui utilisé pour la signature électronique qui bénéficie d’une présomption de fiabilité par application de l’article 1367, alinéa 2, du code civil.
Ainsi, une signature est soit déposée sur un support papier, soit donnée par un procédé électronique, et la signature scannée, qui traduit en quelque sorte une hybridation des deux procédés, à tout le moins un ersatz de signature, est dépourvue de toute validité.
Lorsque le support papier est choisi, encore faut-il qu’il s’agisse d’une véritable signature, ainsi qu’en juge la première Chambre civile, aux termes d’un arrêt du 11 juillet 2024, au regard d’un engagement de caution :
Vu l’article L 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Il résulte de ce texte que les mentions manuscrites émanant de la caution, prescrites à peine de nullité de son engagement, doivent précéder sa signature.
Pour condamner M. [I] au titre de son engagement de caution, l’arrêt retient que son acte de cautionnement est soumis aux dispositions des articles L 341-1 et L 341-2 du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur à l’époque de la conclusion de l’acte, qui imposent que la signature de la caution soit précédée des mentions manuscrites récapitulant la portée de son engagement, mais que si les mentions écrites de la main de M. [I] figurent après sa signature, elles sont néanmoins suivies de son paraphe, de sorte que ni le sens ni la portée de son engagement n’en sont affectés, et qu’il n’existe aucune ambiguïté sur la date de l’acte et sur l’existence du consentement de la caution.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a retenu la validité du cautionnement en l’absence de signature de la caution sous les mentions manuscrites, a violé le texte susvisé.
Notons au passage qu’il s’agit là d’un revirement de jurisprudence, d’autant plus évident que l’arrêt cassé par la Cour de cassation, rendu à Aix-en-Provence le 6 avril 2022, se référait lui-même expressément à un précédent arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 22 septembre 2016, qui avait décidé le contraire.
Quoi qu’il en soit, ce qui est posé par l’arrêt du 11 juillet 2024 au regard du droit spécial du cautionnement, doit sans doute être considéré comme ayant une portée générale : un paraphe n’est pas une signature, et est dépourvu de la valeur juridique qui définit l’écrit ; au mieux, il permettra de rattacher un acte à un scripteur, mais sans exprimer en quoi que ce soit une volonté de s’engager..
Quant à notre mandat immobilier, il faut donc en déduire qu’au regard des conditions de validité exigées par la loi Hoguet, il mérite une vraie signature, qu’elle soit apposée à l’aide d’un instrument d’écriture ou de manière électronique, qui ne peut donc être ni une signature scannée, ni un simple paraphe..
Et qu’en conséquence, toute pratique qui s’en écarterait serait inéluctablement sanctionnée par une nullité – relative, certes, mais nullité tout de même.
Cass. 3ème civ., 11 juill. 2024, n° 22-17.252. ; Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-16.487