Du régime de l’acte de notoriété acquisitive
A propos de deux arrêts de la Cour de cassation des 12 septembre et 10 octobre 2024 *
𝐋𝐚 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐜𝐫𝐢𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐜𝐪𝐮𝐢𝐬𝐢𝐭𝐢𝐯𝐞 : question théorique importante dans l’enseignement du droit des biens, au titre des modes originaires d’acquisition de la propriété.
Car elle sanctionne une possession de 30 années revêtant toutes les apparences du droit (articles 2258 et suivants du Code civil), ce en quoi elle est une de ces situations où le droit sourd des faits, s’y régénère.
Mais en pratique, qu’en faire ?
Indépendamment des jugements rendus en la matière, la pratique notariale a créé 𝗹’𝗮𝗰𝘁𝗲 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗼𝗿𝗶𝗲́𝘁𝗲́ 𝗮𝗰𝗾𝘂𝗶𝘀𝗶𝘁𝗶𝘃𝗲, qui vise aussi bien à asseoir des situations juridiques réelles mais exposées à des lacunes documentaires ou à des contrariétés de titres, qu’à tirer les conséquences de situations de fait contraires aux titres de propriété.
La Cour de cassation en fixe désormais le régime, à travers deux arrêts des 12 septembre et 10 octobre 2024, rapportés ensemble dans la nouvelle livraison de la Lettre de la Troisième Chambre civile ⤵️ – ce rapprochement d’arrêts par voie de publication officielle ayant donc valeur de « codification jurisprudentielle ».
Deux idées à retenir, donc :
1️⃣ L’acte de notoriété acquisitive est en soi sans valeur probante au plan de la prescription acquisitive – avec pour conséquence que celui qui s’en prévaut n’est en principe dispensé en rien de la charge probatoire qui lui incombe,
2️⃣ Les éléments y relatés peuvent fonder la reconnaissance judiciaire d’une telle prescription.
Ce qui met en évidence la 𝗻𝗲́𝗰𝗲𝘀𝘀𝗶𝘁𝗲́ 𝗱’𝘂𝗻 𝘁𝗿𝗮𝘃𝗮𝗶𝗹 𝗻𝗼𝘁𝗮𝗿𝗶𝗮𝗹 𝗰𝗼𝗺𝗽𝗹𝗲𝘁 𝗲𝘁 𝗲́𝘁𝗮𝘆𝗲́, 𝗿𝗶𝗰𝗵𝗲 𝗲𝗻 𝗮𝗻𝗻𝗲𝘅𝗲𝘀, avec pour objectif de constituer un « pré-dossier » au cas où la prescription acquisitive donnerait lieu à contentieux ; et même, en réalité, de dissuader autant que possible toute tentative contentieuse, qui se heurterait alors à une situation équipollente à un renversement de la charge de la preuve.
Au final, le régime ainsi énoncé renforce l’utilité pratique de l’acte de notoriété acquisitive, tout en mettant à la charge des notaires une réelle responsabilité dans le maniement d’un tel instrument – lequel se retrouve pleinement placé au service de la sécurité juridique, raison d’être ultime de la professsion.