Commission de l’agent et préemption consécutive à une déclaration d’intention d’aliéner
Le droit à commission de l’agent est semé d’aléas, notamment lorsqu’il est mis à la charge de l’acquéreur, et que l’opération se conclut finalement au profit d’un tiers bénéficiaire d’une priorité, au titre d’un droit de préemption ou de préférence.
Car alors, les solutions diffèrent selon la nature et l’origine d’un tel droit, ainsi que l’illustre cet arrêt rendu le 2 mai 2024 par la Cour de cassation.
Le propriétaire d’un terrain à bâtir avait confié à un agent immobilier mandat de le vendre, puis avait adressé à l’établissement public titulaire du droit de préemption une déclaration d’aliéner le terrain, outre commission d’agence à la charge de l’acquéreur ; ledit établissement public avait exercé son droit de préemption, mais avait ensuite contesté le montant de la commission.
Rappelant en cela une position antérieure (Cass. 3ème civ., 12 mai 2021, n° 19-25226), la Cour de cassation énonce spécialement que :
Lorsqu’il exerce son droit de préemption, le titulaire au profit duquel la vente a été effectivement conclue est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner.
Ainsi, en matière de droit de préemption consécutive à une déclaration d’intention d’aliéner, le droit à commission de l’agent immobilier n’est subordonné qu’aux conditions formelles ainsi rappelées.
La solution tranche avec celle admise en matière de droit de préférence du locataire commercial issu du statut des baux commerciaux, puisqu’au contraire, la Cour de cassation juge avec constance que : « en application de l’alinéa 1, de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation » (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-14.605).
Dans le champ restreint de ces dispositions issues de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative « à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises », la solution trouve donc son explication dans l’ordre public de protection établi au profit du preneur, l’intervention de l’agent immobilier devant alors passer « par pertes et profits » ; ce à quoi la jurisprudence donne l’explication suivante : « aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi ». (Cass. 3e civ., 23 sept. 2021, n° 20-17.799) – où l’on voit que le juge réécrit la réalité.
Hors cet ordre public de protection clairement circonscrit, la solution sera inverse, spécialement lorsque le droit de préférence imposé au propriétaire du bien est stricement conventionnel, notamment lorsqu’un bail commercial n’entre pas dans les prévisions de l’article L. 145-46-1 du code de commerce.
La Cour de cassation a ainsi pu approuver une cour d’appel d’avoir « souverainement retenu que l’exercice du droit de préférence prévu au bail ayant pour effet de substituer la locataire dans les droits et obligations de l’acquéreur évincé, celle-ci était tenue de payer la totalité du prix convenu avec l’acquéreur évincé, y compris la commission de l’agent immobilier », et qu’en conséquence, « ayant constaté que la propriétaire avait informé la locataire de son projet de vente pour le prix, frais d’agence inclus, offert par le candidat acquéreur, et que la locataire n’avait offert de payer que le prix hors frais d’agence, elle en a exactement déduit qu’elle n’avait pas valablement exercé son droit de préférence conventionnel » (Cass. 3e civ., 27 sept. 2022, n° 21-18.007).
Cass. civ., 2 mai 2024, n° 23-12.918