De la perte des honoraires versés comme conséquence de la nullité du contrat de syndic

A propos d’un arrêt de la Cour d’Appel de Lyon du 1er octobre 2024 *

 

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis se révèle fort rigoureuse et contraignante pour le syndic de copropriété, dans l’intérêt de la collectivité des copropriétaires, et sous leur contrôle plus ou moins zélé de l’un ou l’autre d’entre eux. La chose est connue, ce qui fait clairement de la gestion immobilière une affaire de professionnels.
Pour l’agent immobilier agissant en matière de gestion immobilier, investi d’un tel mandat de syndic, ces règles s’ajoutent à sa propre réglementation professionnelle, tirée de la Loi Hoguet du 2 janvier 1970, dont l’application est elle-même impitoyable.
La jurisprudence en fourmille d’exemples, tel cet arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon, le 1er octobre 2024.

 

L’affaire

Un agent immobilier avait été élu en assemblée générale des copropriétaires pour exercer les fonctions de syndic de copropriété d’un esemble immobilier.
Mais alors qu’il avait négligé de demander une dispense d’ouvrir un compte bancaire séparé, ainsi que la loi l’y oblige, il avait attendu quatre mois pour ouvrir un tel compte, soit au-delà du délai de trois mois prévu par la loi.
Une copropriétaire avait obtenu en Justice, à l’encontre du syndicat des copropriétaires, le prononcé de la nullité du mandat du syndc pour ce motif.
Par suite, le nouveau syndic avait lui-même assigné le précédent aux fins de remboursement des honoraire prélevés par le premier au titre de son mandat annulé.

 

La solution

La Cour d’Appel de Lyon prononce la nullité du mandat de syndic confié à l’agent, par une application mécanique de la loi du 10 juillet 1965, en conséquence du défaut d’ouverture d’un compte bancaire dans les trois mois de sa désignation, sur la base de la motivation suivante :

  • « Selon l’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, en vigueur du 27 mars 2014 au 24 mars 2015 et applicable à l’espèce, le syndic est chargé d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat. L’assemblée générale peut en décider autrement à la majorité de l’article 25 et, le cas échéant, de l’article 25-1 lorsque l’immeuble est administré par un syndic soumis aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ou par un syndic dont l’activité est soumise à une réglementation professionnelle organisant le maniement des fonds du syndicat. La méconnaissance par le syndic de cette obligation emporte la nullité de plein droit de son mandat, à l’expiration du délai de trois mois suivant sa désignation. Toutefois, les actes qu’il aurait passés avec des tiers de bonne foi demeurent valables »

Quant aux conséquences de la nullité, la Cour d’appel énonce qu’elles résultent non de l’application du droit commun prévoyant des restitutions réciproques, mais de la Loi Hoguet :

  • [En vertu des] dispositions de l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et 66 du décret du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi précitée, (…) le syndic professionnel ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d’autres rémunérations, à l’occasion des opérations de gestion immobilière, que celles dont les conditions sont précisées dans sa désignation ou dans un mandat écrit préalable (en ce sens, 3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.898, Bull. 2016, III, n° 10).
  • Il en résulte qu’en cas d’annulation du mandat du syndic, le syndic ne peut percevoir aucune rémunération au titre de la période concernée par l’annulation et doit donc restituer la rémunération perçue au syndicat des copropriétaires…
  • Le caractère d’ordre public des règles issues de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, rappelées ci-dessus, fait obstacle à ce que le syndic puisse réclamer la perception d’honoraires sur le fondement de la théorie de la gestion d’affaires ou sur celui des restitutions réciproques opérées en conséquence de l’annulation du mandat.

 

En pratique 

Selon le droit commun tiré des dispositions des articles 1352 et suivants du Code civil, la nullité d’un contrat à exécution successive a un effet rétroactif se traduisant par un jeu de restitutions réciproques : la rémunération versée se compense avec la valeur des prestations exécutées.

Mais pas en matière de gestion immobilière, en raison de la conjonction du statut de la copropriété des immeubles bâtis et de la Loi Hoguet.
Ici, toute négligence se paye par une double peine : la perte du mandat aussi bien que des prestations exécutées dans le cadre de celui-ci. Sans échappatoire.

 

* CA Lyon, 1re ch. civ. b, 1er oct. 2024, n° 21/06258