Date de levée des conditions suspensive et droits de l’agent immobilier

Si les droits de l’agent mobilier sont soumis aux rigueurs de la loi Hoguet, d’ordre public, l’application de celle-ci s’inscrit cependant dans le contexte d’une opération qui, quant à elle, obéit aux règles de la vente immobilière, en ce compris les principes généraux du droit des contrats.

En atteste un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation du 20 juin 2024, lequel ne fait qu’une application des règles applicables aux conditions suspensives, telles qu’issues en dernier lieu de la réforme du droit des obligations.

Une société avait conclu avec un agent immobilier un mandat de recherche pour un fonds de commerce de bar-brasserie et avait, le jour même, régularisé une « décharge de mandat » matérialisant qu’un fonds avait été trouvé, et contenant l’engagement de verser l’honoraire de négociation à la signature de l’acte.
Un protocole était ultérieurement régularisé avec la société holding détenant les parts de la société propriétaire du fonds, avec engagement du mandant d’acquérir à une certaine date, sous réserve de mainlevée préalable des conditions suspensives dans un certain délai, et rappelant le droit à honoraires du mandataire.
Or, le mandant devait renoncer à l’acquisition, et refusait de se présenter chez le notaire pour réitérer la vente.
Considérant cette attitude comme fautive, l’agent immobilier agissait à son encontre et, en dernier lieu, obtenait de la cour d’appel de Caen sa condamnation à lui verser une somme de 84 000 € à titre de dommages et intérêts.

Saisie sur pourvoi du mandant, la Cour de cassation casse et annule cette décision, sur la base de la motivation suivante :

Vu l’article 1304-6 alinéa 3, du code civil :

 

9. Aux termes de ce texte, en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé.

 

10. Pour condamner le mandant à payer des dommages-intérêts au mandataire, l’arrêt retient que ce dernier justifie de la levée de l’ensemble des conditions suspensives stipulées dans le protocole relatives aux éléments cédés et relève que le mandant ne s’est pas prévalu de l’absence de réalisation d’autres conditions suspensives.

 

11. En se déterminant ainsi, alors que, dans ses conclusions, le mandant faisait valoir que la réalisation des conditions suspensives devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2018, et que le mandataire ne justifiait pas de la levée de l’ensemble des conditions suspensives mais seulement de la levée de deux nantissements en décembre 2018 et d’un état des inscriptions au 10 février 2020, la cour d’appel, qui s’est abstenue de préciser à quelles dates elle retenait la réalisation des conditions, n’a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, en substance, faute de levée de la totalité des conditions suspensives dans les délais convenus, ce qui était de la responsabilité du vendeur, le mandant était légitime à ne pas donner suite, et à considérer que les engagements qu’il avait pris aux termes du protocole ne pouvaient lui être opposés.
Certes, il aurait été loisible aux parties à la vente de réitérer tout de même, convenant ainsi de ne pas tirer de conséquences de la tardiveté de la levée des conditions suspensives ; mais alors, la situation devait échapper à l’agent, soumis au bon vouloir de son mandant.

L’agent aurait-il pu sécuriser ses droits ?
Oui, en surveillant rigoureusement le calendrier de levée des conditions suspensives, en s’enquérant auprès du vendeur de l’exécution des diligences, et en lui imposant, le cas échéant, la signature de tout avenant de prorogation des délais.
Ce qui aurait d’ailleurs été dans l’intérêt du vendeur lui-même, ainsi exposé à une défaillance de son acquéreur à laquelle il a prêté le flanc.

C’est là que se fait la différence entre l’agent passif, et celui qui accompagne véritablement son mandant dans toutes les étapes de l’opérations.

Notons incidemment que, dans cette affaire, si l’on revient strictement à la loi Hoguet, n’a pas été soulevée la problématique de la concomitance du mandat et de l’exécution de la mission, la règle posée par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 étant que la validité du mandat suppose qu’il soit préalable à toute recherche.

 

Cass. civ., 20 juin 2024, n° 23-12.106