Agents immobiliers, vérifiez vos mandats !
Un mandat, ce n’est pas une simple formalité : c’est un acte réglementé, qui doit respecter à la lettre les exigences de la loi Hoguet et de son décret d’application.
Dans les contentieux sur la rémunération de l’agent immobilier, la moindre irrégularité est désormais exploitée pour échapper au paiement de la commission.
Aujourd’hui par le mandant, mais demain, par une IA.
Et dans les deux cas, l’enjeu est le même : anéantir le mandat pour priver l’agent de tout droit à rémunération.
C’est précisément ce que vient de rappeler la cour d’appel de Metz dans un arrêt du 27 mars 2025 * : un mandat exclusif est annulé pour une simple mention absente — l’adresse du garant.
L’affaire
En décembre 2019, un agent immobilier conclut un mandat exclusif de vente avec l’usufruitière d’un bien composé de plusieurs lots.
Le contrat est signé, enregistré au registre des mandats, et prorogé par avenants.
Mais la vente, finalement, intervient via une autre agence.
L’agent initial assigne la mandante en indemnisation, estimant que la vente a été conclue en violation du mandat exclusif.
Il obtient gain de cause devant le tribunal judiciaire de Metz, qui le déclare bien fondé à percevoir une indemnité équivalente à la commission perdue.
Mais en appel, la mandante soulève un point que le tribunal n’avait pas retenu : le mandat, dit-elle, est nul.
Et elle s’appuie pour cela non sur le fond de l’affaire, mais sur le formalisme du mandat lui-même.
La solution
La cour d’appel de Metz annule le mandat sur le fondement du décret du 20 juillet 1972, article 92, pris pour l’application de la loi Hoguet n° 70-9 du 2 janvier 1970, dont elle rappellel le principe :
- « Les personnes visées à l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970 doivent faire figurer sur tous documents, contrats et correspondances à usage professionnel :
[…] le nom et l’adresse du garant. »
Et elle précise :
- « Il n’est pas soutenu par l’intimée qu’elle était dispensée de l’obligation de justifier d’une garantie financière. […] Dès lors, elle était tenue de mentionner non seulement le nom, mais également l’adresse du garant à peine de nullité du mandat. […]
Le mandat qui omet de mentionner l’adresse du garant est nul. »
Ce n’est donc ni une omission bénigne, ni un détail régularisable.
C’est une irrégularité formelle qui entraîne la nullité relative du mandat, au bénéfice du seul mandant.
Ce qui conduit la Cour à écarter tous les arguments de l’agent, y compris ceux tirés d’une éventuelle fraude ou d’une bonne foi présumée :
- « L’attestation de garantie financière produite n’est pas de nature à couvrir la nullité du contrat, qui ne découle pas de l’absence de garantie, mais de l’absence de mention de l’adresse du garant dans le mandat. »
Résultat : aucune clause du mandat ne peut être invoquée, même à titre indemnitaire, l’agence étant donc déboutée de toutes ses demandes.
En pratique
Cet arrêt illustre une bascule silencieuse mais irréversible : le mandat devient l’objet d’un examen juridique millimétré, non plus seulement dans sa substance, mais dans son formalisme même.
Et dans ce jeu, c’est toujours l’agent immobilier qui joue sa rémunération, parfois plusieurs mois après avoir conclu le mandat.
Il faut donc renverser l’approche : rédiger le mandat comme s’il devait être lu par un juge, ou par un algorithme.
Car demain, les mandants n’auront plus à chercher l’erreur : une IA la détectera pour eux — adresse manquante, clause pénale mal intégrée, qualité juridique du mandant incertaine…
Tout sera passé au crible.
La rédaction la plus rigoureuse du mandat devient ainsi une condition de survie pour l’agent.