Du DPE (suite) : défaut de mention dans une annonce et concurrence déloyale

A propos d’un arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier du 23 juillet 2024*

Le Diagnostic de performance énergétique (DPE) revêt une importance telle qu’il participe des caractéristiques substantielles d’un bien, ce qui explique que sa publicité soit strictement réglementée par le Code de la construction et de l’habitation.
Il n’est donc pas étonnant qu’on retrouve à nouveau le DPE dans le contentieux de l’agence immobilière, même si c’est parfois sous un angle inattendu, en l’espèce celui de la concurrence déloyale.

.

L’affaire

Au mois de juillet 2021, deux agences immobilières concurrentes avaient, chacune et de manière presque concomitante, obtenu un mandat non exclusif de vente sur un bien.

Manifestement pressée de mettre en oeuvre son mandat, l’une de ces deux agences n’avait pas attendu la réalisation du DPE, et avait publié une annonce avec la simple mention qu’il était « en cours ».
De fait, elle avait, quelques jours après, obtenu une offre de vente, qui devait ultérieurement se concrétiser.
La seconde agence, qui de son côté s’était abstenue d’entamer sa commercialisation, avait saisi un huissier de justice aux fins de faire constater l’annonce de la première.

Cette seconde agenceavait ensuite décidé d’agir en Justice, estimant avoir été victime de concurrence déloyale de la part de la première agence, avec pour conséquences une perte de chance de percevoir une commission et un préjudice d’image.
En première instance, elle était déboutée de sa demande, et était même condamnée à verser à la première agence des dommages et intérêts pour procédure abusive, outre article 700.
Elle ne s’était cependant pas découragée, et avait saisi la Cour d’Appel de Montpellier.

La solution

Cette persévérance devait payer, puisque la juridiction lui donne raison, par un arrêt du 23 juillet 2024, aux attendus limpides :

  • La publication de l’annonce immobilière sans mention d’un diagnostic de performance énergétique ne constitue pas une allégation, une indication ou une présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les caractéristiques essentielles du bien, telles que le prévoit l’article L. 121-2, en ce que le droit d’information du consommateur est seulement différé et incomplet lors de la publication, mais devra être effectif lors de la vente. Cette publication ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse à ce titre.
  • Toutefois, le non-respect de la réglementation par certains acteurs économiques tandis que d’autres la respectent, crée entre eux une concurrence déloyale, en ce que le contrevenant peut effectuer avant ses concurrents une publication, susceptible de générer un courant d’affaires.
  • cet égard, la réalisation, avérée, du diagnostic de performance énergétique, préalablement à la publication de l’annonce, est indifférente.
  • Ce non-respect de la réglementation, qui est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, génère, en soi, un trouble commercial en ce que cette publication est susceptible d’altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, auquel elle s’adresse, à l’égard de l’immeuble concerné en l’informant de sa mise en vente et de la possibilité de le visiter.

La sanction est prononcée par la Cour :

  • Si les pratiques consistant à s’affranchir d’une réglementation induisent un avantage concurrentiel indu, en l’espèce, la publication illicite a permis aux sociétés Activa de bénéficier d’une priorité, qui n’a pas généré d’économies, susceptibles d’être évaluées en terme de trouble économique.
  • Cependant, il s’infère nécessairement d’actes de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral, qui sera, en l’espèce, entièrement réparé par l’octroi de la somme de 5 000 euros.

 

En pratique

On le voit, la première agence a obtenu une indemnisation qui ne lui a probablement pas permis de rentrer dans ses frais.
On imagine cependant qu’il existe entre les deux agences concernées un contentieux plus ancien, et qu’en cela, l’action engagée par la première agence au titre des manquements de la seconde est probablement opportuniste, celle-ci y ayant donc prêté le flanc.

Il reste que la solution est rigoureuse au regard des principes gouvernant la sanction des actes de concurrence déloyale, qui ont notamment pour vocation de garantir une certaine morale des affaires.
Où l’on voit que la rigueur requise de l’agent immobilier n’est pas seulement technique.

* Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 23 juillet 2024, n° 22/05561