Du DPE : responsabilité de l’agent immobilier au regard d’un classement erroné

 

A propos d’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Rouen, le 28 août 2024 *

 

Point n’est besoin de revenir sur l’importance du diagnostic de performance énergétique (DPE), obligatoire avant toute vente ou location d’un bien.
Il permet d’estimer la consommation d’énergie d’un logement ou d’un bâtiment, et d’évaluer ainsi son impact écologique, aussi bien que de mesurer les travaux à prévoir aux fins d’amélioration, de même que leur coût.
La méthodologie pour son établissement n’est pas aisée à déterminer, et revêt même une dimension politique, la conséquence en étant les multiples réformes et annonces de réforme du DPE.

Il reste que, dans son principe, la classification d’un bien sur l’échelle de A à G a un impact majeur dans l’appréciation de sa valeur.
De la la tentation, heureusement rare, pour certains propriétaires, de manipuler ce classement, et l’engagement de la responsabilité de professionnels qui y prêteraient la main.

 

L’affaire

Après avoir répondu à l’annonce mise en ligne par un agent immobilier, titulaire d’un mandat de vent, un couple avait acquis un bien immobilier à usage d’habitation.
En annexe à l’acte de vente, figuraient les diagnostics légaux établis par un diagnostiqueur, à l’exception du DPE, réalisé par un autre diagnostiqueur, et qui fixait la catégorie de l’immeuble en classe D.
Soupçonnant que ce classement était plus favorable que la réalité, le couple était parvenu à établir qu’un premier diagnostic, demeuré caché, avait été réalisé, plaçant l’immeuble en classe G ; ce qui avait été confirmé par un expert désigné en Justice.
Les acquéreurs agissaient alors en Justice, à l’encontre aussi bien des vendeurs, que du diagnostiqueur et de son assureur, mais aussi de l’agent immobilier.

La solution

Par un arrêt du 28 août 2024, la Cour d’Appel de Rouen donne raison aux acquéreurs.

Contre les vendeurs, des condamnations au titre de la garantie des vices cachés sont retenus par la Cour, aux motifs que :

  • « La défaillance énergétique majeures du bien, vice préalable à la vente, était grave et cachée aux acquéreurs, en raison de la production d’un document émis par le diagnostiqueur plus favorable »
  • « Le préjudice dans la relation contractuelle entre les vendeurs et acquéreurs, lorsque le bien est conservé correspond à la restitution d’une partie du prix et à des dommages et intérêts et non à une perte de chance comme retenu par le tribuna »l.

La Cour retient également la responsabilité du diagnostiqueur :

  • «  [Le diagnostiqueur] a ainsi commis une faute dans l’exécution de sa mission à l’origine d’un classement énergétique du bien plus favorable que la réalité constatée tant par les autres diagnostiqueurs que par l’expert judiciaire qui a causé aux acquéreurs un préjudice quant à leur appréciation de la valeur du bien.
  • « Le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consiste pas dans le coût des travaux mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente voire de ne pas acquérir le bien ».

L’agent immobilier se voit également condamné, alors même qu’il soutenait n’avoir pas été impliquée dans la réalisation des diagnostics, et qu’elle s’était limitée à produire le diagnostic le plus récent.

Sa responsabilité n’en est pas moins retenue par la Cour :

  • « L’extrait de l’annonce immobilière (…) ne précise pas le classement énergétique du bien. Cependant, il n’est pas contesté que l’agence immobilière, professionnelle de la négociation, avait connaissance d’un premier diagnostic défavorable en G et ne pouvait ignorer, en l’absence de travaux le justifiant, l’impossibilité de modifier de trois niveaux le classement sans qu’il y ait une erreur du diagnostiqueur, soit de l’un, soit de l’autre.
  • En outre, sa connaissance des qualités des biens immobiliers, de leur évaluation, si elle ne la rendait pas apte à évaluer la catégorie énergétique d’une maison, lui permettait d’être interpelée par des classements aussi éloignés et lui imposait d’attirer l’attention des propriétaires pour prévenir tout contentieux avec les acquéreurs, des erreurs sur la nature du bien et son prix.
  • Ses négligences fautives dans l’élaboration du dossier utile à la vente à ce sujet ont contribué à la réalisation du dommage subi par les acquéreurs et se traduisent par une perte de chance pour les acquéreurs de négocier le bien à moindre prix ou de renoncer à l’achat ».

Ce dont il résulte d’importantes condamnations au profit des acquéreurs, avec une contribution des condamnés entre eux fixées à 50% pour le diagnostiqueur, 30% pour l’agent immobilier, et 20% pour les vendeurs.

En pratique

Il n’apparaît guère utile d’ajouter autre chose à la synthèse faite par l’arrêt, dans une ambition évidemment pédagogique :

  • « Bien que profanes, les vendeurs connaissaient l’immeuble et ses failles, l’absence de travaux entre les diagnostics et les conséquences de leurs omissions sur les conditions d’occupation de la maison.
  • Les professionnels, le diagnostiqueur au premier rang mais également l’agence immobilière qui savait que les propriétaires bénéficiaient de diagnostics divergents avaient l’obligation pour le premier de respecter les dispositions légales et réglementaires, la seconde d’éclairer les propriétaires sur les enjeux relatifs à ces diagnostics».

Quant à l’agent immobilier, le DPE doit donc être tout autant important pour lui qu’il l’est pour l’acquéreur.
Il doit connaître son produit, et le promouvoir de manière à éviter toute manipulation ou erreur sur sa présentation, autant que possible au regard de ses compétences et de son bon sens.
En cela, l’arrêt ne fait qu’appliquer ce qui est au cœur de son métier : un devoir de conseil, évidemment exercé avec probité et discernement.

 

* Cour d’Appel de Rouen, 1ère Chambre civile, 28 août 2024, RG n° 23/01268